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Publié par Via Prévention. Catégorie Entrevue

Avec Valérie Cloutier, nous avons parlé de respect des lois en temps de pandémie, dans la mesure du possible. Ce n’est pas toujours facile à interpréter. Puis, nous avons parlé des autocars nolisés pour le tourisme. Et ça, c’est un sujet qu’on ne retrouve vraiment pas souvent dans les médias. La directrice des affaires juridiques de la Fédération des transporteurs par autobus, elle, a bien voulu nous en parler.

Via Prévention

Depuis le mois de mars, j’imagine que votre téléphone sonne souvent. Que demande-t-on à une avocate en temps de pandémie?

Valérie Cloutier

Ça a évolué de semaine en semaine. Devant l’inconnu, il fallait éteindre des feux. Tous les domaines du transport de personnes ont été touchés en même temps. Dès la fermeture des écoles, il a fallu travailler sur le maintien des contrats en transport scolaire. Nous sommes aussi intervenus en transport urbain, dans l’interurbain, et analysé les contrats pour le nolisé touristique. Puis sont venues les mesures sanitaires. En ce moment, c’est le cœur de notre travail. En transport scolaire, les règles applicables vont changer pour la rentrée prochaine. Et on prépare un plan pour les autocars de touristes dans l’attente de confirmation de la santé publique. Il en est de même pour l’interurbain. Les questions, au départ, c’était pour gérer l’urgence, l’inconnu. Cela a évolué avec les annonces gouvernementales, les décrets entrés en vigueur, la distanciation physique. On a eu une foule de questions sur le deux mètres, certaines toujours sans réponse claire.

V.P.

Se conformer à des lois ou à des règlements qui changent, est-ce que ça rassure ou est-ce que ça inquiète?

V.C.

Ce qui inquiète, c’est quand les textes de loi donnent des règles qui ne sont pas précises. Par exemple, avec le deux mètres. Que veut dire le législateur quand il écrit qu’il faut faire respecter la distance de deux mètres dans la mesure du possible? En tant que juriste, on se doit de préconiser la prévention la plus sévère parce que le transporteur doit être au fait des risques. Au cas où il se ferait prendre à ne pas respecter la distanciation physique dans la mesure du possible. Viennent alors toutes les infractions pénales possibles et on doit conseiller en conséquence.

V.P.

D’un côté, vous avez des transporteurs qui vous appellent. De l’autre côté, qui appelez-vous pour avoir des éclaircissements?

V.C.

Comme juriste, j’ai le droit et la capacité d’interpréter un texte de loi et de donner mon opinion juridique. Néanmoins, il est préférable de se raccrocher à l’autorité qui l’a mis en place. Pour le transport scolaire, on s’adressait au cabinet du ministère de l’Éducation; pour l’interurbain et l’adapté, c’était celui du ministère des Transports. Pour le nolisé touristique, on a cogné à toutes les portes, car, malheureusement, c’est un domaine qui n’est couvert par aucun ministère. On est allé au fédéral, au provincial, au ministère du Tourisme, mais sans, encore aujourd’hui, pouvoir raccrocher ce domaine à une instance précise.

V.P.

Alors comment faites-vous?

V.C.

Nous sommes allés voir nos partenaires, comme Via Prévention, la santé publique, pour rechercher un consensus qui soit aussi à l’avantage des transporteurs. Tant qu’un juge n’a pas pris de décision sur l’interprétation d’un texte de loi, il y aura toujours deux côtés à la médaille. Deux avocats peuvent avoir des opinions différentes, et les deux sont tout à fait valables.

V.P.

Durant la crise, le gouvernement légifère par décret?

V.C.

Oui. Au niveau des rassemblements et de la distanciation, c’était le décret 222-2020 publié en mars. Vendredi dernier, un nouveau décret, le 689-2020, est venu l’abroger. Il précise que l’on doit respecter le deux mètres sauf pour certaines exceptions, comme le transport scolaire. Les autres domaines du transport par autobus ne font pas exception.

V.P.

Ça veut dire qu’à la rentrée, les autobus scolaires vont être pleins?

V.C.

Techniquement, le décret le permet parce que l’obligation du deux mètres n’est plus là. Mais le sous-ministre vient d’émettre une lettre limitant le nombre de passagers à 48 par autobus. Soit deux élèves par banquette pour les gros autobus. Les commissions scolaires vont l’exiger de leurs transporteurs. C’est ce qui prévaut aujourd’hui.

V.P.

On ne parle quasiment pas des autocars de tourisme dans les médias. Sans doute parce que cela nous touche moins et…

V.C.

Et pourtant!

V.P.

Que voulez-vous dire?

V.C.

Cela ne nous touche pas tant qu’on n’en a pas besoin. Pour toutes les petites entreprises touristiques en région qui attendent la visite des voyageurs, l’arrêt de ce service a un impact majeur. Les nolisés touristiques ont été les grands délaissés de la crise dans le transport.

V.P.

Est-ce que le nouveau décret peut changer quelque chose?

V.C.

Non. En fait, on ne leur a jamais interdit de rouler. On peut respecter deux mètres dans un autocar. Mais la rentabilité n’est pas au rendez-vous. Sans aide gouvernementale, avec une capacité aussi réduite, les autocars ne peuvent pas rouler. Ils ne font pas partie des programmes prévus par les ministères du Transport ni du Tourisme. Ils ne sont pas considérés comme une industrie touristique bien qu’ils la soutiennent directement. On travaille très fort pour cette industrie-là qui, pour l’instant, n’a rien, à part des prêts. On a eu la chance d’aller se prononcer auprès de la Chambre des communes du Canada, on est en pourparlers avec plusieurs députés fédéraux et provinciaux. On a appris ce matin (ndlr : le 30 juin) qu’aux États-Unis, il pourrait y avoir une subvention de plusieurs milliards. Est-ce que cela va constituer un levier pour aider nos entreprises au Québec et au Canada ? On travaille aussi avec nos confrères de l’Ontario. Toutes nos lignes sont à l’eau, on espère que ça va mordre.

En tant que juriste, on se doit de préconiser la prévention la plus sévère parce que le transporteur doit être au fait des risques. Au cas où il se ferait prendre à ne pas respecter l

Valérie Cloutier