Bernard Boulé connait bien les enjeux de formation et de transport. Avant d’être au volant de Camo-route, il a dirigé le Centre de formation en transport routier de Saint-Jérôme. On le sait, la COVID-19 a fait mal au transport et entraîné une révolution dans la façon de former les travailleurs. Bernard a bien voulu nous en parler.
Via Prévention
Camo-route a envoyé un sondage auprès d’entreprises en transport de marchandises et de personnes en lien avec la COVID-19. Pourquoi cette initiative?
Bernard Boulé
Au niveau de la Commission des partenaires du marché du travail, un comité de travail a défini un tableau de bord de l’évolution de la crise. On voulait des données comparables dans le temps et d’un secteur à l’autre. Pour nous, le but est de dresser un portrait de la situation pour les transports de marchandises et de personnes. Ces données nous permettent, sur une base mensuelle, de fournir de l’information au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. On voulait évaluer l’avant, le pendant et l’après-COVID avec des indicateurs de relance lorsqu’ils vont se manifester. Nous sommes très heureux d’avoir reçu environ 270 réponses.
V.P.
Quels éléments ressortent des réponses?
B.B.
Ce n’est pas une surprise, mais la pandémie a entraîné une très importante baisse des activités. Moins du quart des répondants a pu maintenir un niveau d’activités similaire. Certains ont connu une hausse, comme la livraison de colis ou le transport de marchandises prioritaires. Mais 63% des entreprises ont confirmé une baisse de l’emploi. Les métiers les plus visés sont les conducteurs de camion et d’autobus. On observe aussi que malgré le contexte, il reste encore des difficultés de recrutement. Or, pour 85% des répondants, cette situation n’est pas en lien avec la pandémie. Cela nous ramène à la réalité du marché du travail qui prévalait. À savoir, rareté de main-d’œuvre, difficulté d’attirer des travailleurs, groupes sous-représentés: jeunes, femmes, personnes issues de l’immigration. Pour ces données structurelles, la COVID n’a rien changé. On souhaite maintenant que l’image de héros des transporteurs va se pérenniser et attirer plus de monde dans la profession.
V.P.
Est-ce que la hausse de personnes sans emploi dans la société représente une opportunité pour recruter?
B.B.
Le transport vit encore dans l’incertitude. Le secteur manufacturier n’a pas repris sa vitesse de croisière, le volume de biens est incertain. Tenter de recruter à l’extérieur du métier est difficile, car on ne sait pas à quoi septembre va ressembler. L’absence de perspectives sévit également dans le transport de personnes, tant le scolaire que les autocars de tourisme. Il est difficile de tirer son épingle du jeu avec autant d’inconnu.
V.P.
Est-ce que Camo-route assiste les entreprises dans la transition des formations en classe vers le virtuel?
B.B.
On travaille sur la logistique de formation à distance à partir de nos projets. On avait déjà amorcé un virage vers la formation à distance, entre autres avec la gestion de la discipline dans les autobus scolaires et une introduction à la fonction de répartiteur pour les nouveaux employés. On développe présentement la formation PEP sur l’entretien préventif pour qu’elle puisse se tenir à distance. Une formation hybride avec une partie asynchrone et une partie synchrone avec le formateur.
Comme bien d’autres, on a découvert que les contraintes techniques pour passer de présentiel à distance ne sont pas insurmontables. De plus, cela répond aux besoins de la clientèle. Diffuser en présentiel devenait de plus en plus difficile. Les entreprises ne veulent pas de formations trop longues et remettent en question le besoin de se déplacer pour une formation de 2 ou 3 heures. Mobiliser les gens est extrêmement difficile.
V.P.
Les avantages de la formation à distance semblent satisfaire les entreprises. On peut néanmoins se questionner sur son efficacité. On apprend aussi bien quand on est à distance?
B.B.
Oui. Si le besoin de formation est bien circonscrit, si le matériel didactique est complet en permettant de l’interactivité, le participant peut très bien recevoir la matière et valider sa compréhension. De leur côté, les formateurs doivent faire évoluer leurs façons d’enseigner, d’animer, d’interagir. Comme les apprenants, ils découvrent cette nouvelle façon de faire en s’y adaptant. Et ce n’est pas près de s’arrêter, on est juste au début.
On souhaite maintenant que l’image de héros des transporteurs va se pérenniser et attirer plus de monde dans la profession.
Bernard Boulé