Publié par Via Prévention. Catégorie Entrevue
Marc Cadieux est un homme très occupé. Le président-directeur général de l’Association du camionnage du Québec (ACQ) travaille de longues heures, de nombreuses journées, toutes les semaines. Tout particulièrement au cours de ces pandémiques douze derniers mois. Alors, j’ai été surpris: prévue pour 30 minutes, notre entrevue s’est étendue sur près d’une heure et demie. J’ai découvert un homme qui prend tout le temps nécessaire pour observer, écouter, rassurer son monde. Il l’a fait avec moi, mêlant humour et compassion. Il a aussi pris le temps de me parler de son chien, Buddy, l’alibi parfait quand règnent confinements et couvre-feux. Touchant.
Via Prévention
Bonjour Marc, comment vas-tu?
Marc Cadieux
Ça va bien. On s’est habitués à notre nouvelle façon de vivre. Ça a été toute une adaptation, mais personne dans mon entourage ni moi-même n’a été touché par la COVID. Ceci dit on demeure extrêmement fragile, au vu de toutes les mesures que l’on doit respecter. Les premiers temps n’ont pas été évidents pour le travail et personnellement. Mais, je me porte bien.
V.P.
Quels sont tes trucs pour t’adapter et bien aller, car, pour bien du monde, ça ne va pas si bien que ça. Un an de pandémie, ça pèse.
M.C.
Au niveau personnel, je ne serai jamais heureux de la façon avec laquelle on doit fonctionner. Ça crée une dose de frustration, car le confinement a son lot d’impacts au niveau mental, mais j’ai appris à réorganiser ma vie. Aller prendre des marches avec des amis à l’extérieur, prendre un verre de vin devant la maison plutôt qu’à l’intérieur, tout ça en respectant les règles pour tous se protéger. Davantage de raquette cet hiver, de marches, pour être capable de ventiler. Plus personnellement, j’ai un chien, alors j’ai le droit de marcher après le couvre-feu!
V.P.
Ah! Tu fais partie de ces privilégiés qui ont un animal de compagnie.
M.C.
Je l’ai depuis plus de deux ans, ce n’est pas un chien de la COVID. Buddy est un chien choisi par goût de vie, pas une béquille que je suis allé m’acheter. Je ne peux pas dire que je suis un fanatique des marches après 9 heures, mais c’est quand même plaisant de pouvoir le faire. Désormais, au lieu de le laisser simplement prendre l’air devant la maison je vais marcher avec lui parce que c’est profitable pour moi aussi.
V.P.
Et au niveau professionnel, comment tu t’adaptes pour bien aller?
M.C.
Ce qui m’a le plus soutenu et fourni le plus d’énergie, c’est de voir la réaction de l’équipe à l’ACQ. Moi, je me considère old school, dans le sens où je n’ai jamais été un grand défenseur du télétravail. Je me disais que: «c’est pas vrai, je vais pas rentrer dans un bureau sans âme, avec du monde qui travaille de chez eux». Alors je disais parfois oui pour des projets très spécifiques, pour lesquels éviter les déplacements peut aider à conserver plus d’énergie. Maintenant, est-ce que j’y crois? Par la force des choses, c’est sûr. J’ai vu une productivité de 110%. Je n’aurais jamais cru ça. Les débuts ont été difficiles. Sécuriser tout le monde dans ses fonctions pour retrouver une ambiance d’équipe, à distance, n’a pas été évident. Il a fallu réorganiser tous les événements sociaux de type formation, les congrès et événements présentiels. Avec ça la réorganisation des budgets, car on avait beaucoup d’ententes avec nos fournisseurs. Or, je dois souligner que je les qualifie de très grands partenaires. Ils ont accepté notre réorganisation et ceux qui avaient engagé de l’argent ont continué de nous appuyer en nous demandant de nous réinventer. Tous les commanditaires majeurs ont répondu présents. Cela a créé beaucoup d’énergie de travail chez nous. Le plus important était de monitorer le moral de l’équipe, de prendre le temps d’appeler, d’écouter.
V.P.
Cela crée probablement des relations plus personnelles que d’habitude.
M.C.
Je t’avouerais avoir été ébranlé lors d’un 5 à 7 virtuel qui s’est poursuivi jusqu’à près de 9 heures. Les gens m’ont dit que j’avais été là pour m’assurer qu’ils allaient bien, qu’ils tenaient le coup alors que moi j’étais celui pour qui la faiblesse n’avait pas sa place. Ça m’a vraiment touché. Tous m’ont remercié. Je leur ai répondu que les voir forts, solides et ensemble constituait mon énergie. C’est ce qui m’a donné le boost pour passer à travers. Si j’avais eu à gérer des gens qui s’effritent autour de moi, cela aurait peut-être eu aussi un effet sur moi. Or, les voir si productifs m’a apporté tout ce dont j’avais besoin pour les soutenir et me soutenir moi-même. Les trois premiers mois, c’était du 7 à 7, 7 jours sur 7, avec des réunions de crise quotidiennes impliquant ministres et grands partenaires du milieu. J’avais pas le temps de me plaindre. Des fois, je me couchais après un bol de céréales par manque d’énergie pour faire à souper. Mais j’étais stimulé par toute l’équipe qui participait aussi à toutes sortes de réunions. L’énergie se renouvelait tous les jours.
V.P.
Tu t’es nourri de l’énergie de l’équipe. Et avec les membres de l’ACQ. Comment ça s’est passé?
M.C.
On a eu un membership drôlement ébranlé. Certaines entreprises ont subi de gros contrecoups, tous ont connu un ralentissement avant la reprise. Pour ceux qui occupent des marchés de niche, ce fut catastrophique. Je pense ici à la compagnie Truck N’Roll qui n’intervient que dans l’événementiel. Pour eux tout s’est arrêté d’un coup. Et ce n’est pas en temps de confinement que tu peux commencer à faire du nouveau développement lorsque tant d’expéditeurs sont fermés. On a eu des échanges avec tous ces gens qui ont connu ces difficultés. On ne peut pas toujours se réinventer du jour au lendemain. On a beaucoup aidé nos membres dans l’accès aux aides gouvernementales et mené de nombreuses représentations pour les peaufiner. Le gouvernement aussi nous consultait pour savoir comment bonifier son approche, connaitre les carences et mieux soutenir l’industrie.
V.P.
Qu’est-ce qui te manque le plus, ces jours-ci?
M.C.
Reprendre la vision physique du langage corporel. Les expressions, les épaules qui bougent, la démarche, la façon de se regarder. Teams et Zoom, ça donne rien de ça. J’étais content au début, mais en ce moment je suis saturé. Je suis tanné. J’ai hâte que ça devienne un outil exceptionnel.
Je leur ai répondu que les voir forts, solides et ensemble constituait mon énergie. C’est ce qui m’a donné le boost pour passer à travers.
Marc Cadieux