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Publié par Via Prévention. Catégorie Entrevue

L’entrevue s’est terminée. Dominique Dodier ajoute alors, presque candidement: «Ce qu’on mesure on l’améliore, ce qu’on mesure pas on l’améliore pas.» Avec ce principe en tête, on comprend sa logique de gestionnaire lorsqu’elle parle de cartographie des compétences, de formation en ligne et de bienfaits de la pandémie sur l’environnement. Cartésienne émotionnelle, la directrice générale d’Envirocompétences a bien voulu nous parler.

Via Prévention

Sur envirocompetences.org se trouve un onglet Formations en ligne. C’est nouveau?

Dominique Dodier

On l’a inauguré en janvier, un peu avant la pandémie. On avait commencé à faire la migration.

V.P.

Pourquoi cette migration?

D.D.

Le Québec est un grand territoire, l’environnement c’est partout. Les gens devaient se déplacer dans les villes. Avec notre stratégie de commercialisation, on voulait augmenter le volume de formations. Or, dans ta salle de classe, tu ne peux recevoir qu’une formation par jour. On voulait aussi démontrer de l’agilité technologique, car les modes d’apprentissage changent. On remarque que les gens, surtout les moins de 50 ans, sont de plus «mindés» à apprendre différemment, de façon synchrone, asynchrone, en virtuel. Les réseaux sociaux et la technologie sont intégrés à leur vie, à leur mode de travail. Le confinement a précipité notre migration. On s’est retrouvé plongés dans le télétravail, et le développement de certaines compétences liées à la distance est devenu urgent: la supervision, gérer des problèmes, gérer des équipes, la performance. Il a fallu dégainer vite vite vite.

V.P.

Et vous avez créé du nouveau contenu de formation?

D.D.

Oui. On a développé 3 orientations: capsule informative d’une vingtaine de minutes, classes virtuelles, autoformation asynchrone avec vidéos et PowerPoint.

V.P.

Vous avez vu la crise comme une opportunité?

D.D.

On a voulu penser de façon constructive en se disant: «Pourquoi ne pas choisir le développement de compétences en temps de confinement comme enjeu stratégique?» Quand une crise provient de l’externe, comme une pandémie, un gestionnaire doit absolument faire la cartographie des compétences. Pour être capable de se dire: «Demain matin, on retombe en confinement. Qui est capable de faire la job? Quelles personnes dois-je garder absolument pour survivre?» À partir de la cartographie des compétences de ton équipe ou de ton entreprise, tu vois ce que chacun détient ou pas et tu peux déterminer quelles compétences tu dois développer chez qui.

V.P.

Est-ce que la formation virtuelle est aussi efficace que le présentiel?

D.D.

Oui. Mais la responsabilité de l’apprenant est plus grande. En présentiel, tu es capté par le charisme du formateur ou de la formatrice, par ses mouvements, ce qu’elle dégage. Aussi par la dynamique du groupe, par l’atmosphère qui règne. Quand t’es en ligne, oublie tout ce que je viens de te dire là. Il faut être capté par le contenu, la ludification ou l’originalité du matériel. En amont, les créateurs de matériel en ligne, experts et andragogues, ont aussi une responsabilité. Parce que dans une formation à distance, il y a une connectivité virtuelle mais pas d’émotion.

V.P.

Recevez-vous du feedback, après vos formations?

D.D.

Les évaluations sont similaires à celles en présentiel, l’approbation se situe entre 92 et 96%.

V.P.

Et qu’en pensent les formateurs, du virtuel?

D.D.

Ils trouvent ça plus fatigant parce qu’il n’y a pas de dynamique. Tu sais, quand je donne ma formation en gestion des ressources humaines — je ne l’ai pas encore donnée en virtuel —, je parle de cas vécus. Quand j’ai fini d’expliquer mon cas vécu, le monde discute ensemble autour de la table. Ça se passe pas comme ça en mode virtuel. On n’ose pas faire de «jokes» en lien avec le contenu.

V.P.

C’est-à-dire que le formateur ou la formatrice ne peut pas surfer sur la vague qu’il crée lui-même en animant?

D.D.

Il y a plus de difficultés. Il n’y a pas, appelons ça comme ça, de contamination entre les gens, ce qui se produit en présentiel quand l’animateur est «sharp», dynamique, drôle. Notre regard n’est pas du tout pareil.

V.P.

Est-ce que la pandémie a changé le visage de la formation chez les entreprises en environnement?

D.D.

Elle n’est plus vue comme un mal nécessaire. Les entreprises comprennent que c’est vraiment un atout stratégique. Le nombre d’inscriptions à nos formations a augmenté d’environ 20%. On a fait 50% de nos revenus autonomes annuels en deux mois. Beaucoup ont envoyé leurs gens en formation pendant qu’ils sont en télétravail. Environ 60% des travailleurs en environnement étaient en services essentiels. L’autre partie c’est du service-conseil et devait produire. Je ne pense pas qu’il y ait eu beaucoup de pertes d’emploi dans notre secteur. On trouve beaucoup de métiers en lien avec la santé publique.

V.P.

Peut-on dire que la crise profite à l’environnement?

D.D.

On parle beaucoup de relance, mais pas sans l’environnement. Le ministre de l’Environnement fait partie du comité de relance du gouvernement. As-tu vu tous les bienfaits des effets collatéraux de la gestion de crise au niveau environnemental? C’est extraordinaire. Il y avait du bonheur dans le malheur. Des citoyens ont pris conscience de l’importance de la gestion de l’eau, des matières résiduelles. Les humains ont pu constater la diminution d’émissions de gaz à effet de serre. Ce qui est achetable est jetable et les entreprises commencent à réaliser que ce qui est jetable peut être contaminé. Cela change nos façons de penser et ce ne sera que bon.

À partir de la cartographie des compétences de ton équipe ou de ton entreprise, tu vois ce que chacun détient ou pas et tu peux déterminer quelles compétences tu dois développer chez qui.

Dominique Dodier